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Quand les gènes sauteurs innovent chez les animaux

Grâce à eux, les grands singes et les humains ont perdu leur queue ; et un papillon de nuit a survécu à la révolution industrielle. Grâce à eux aussi, sans doute, certains poissons ont acquis une protéine antigel qui les préserve du froid glacial des eaux polaires.
Ces magiciens de l’évolution, ce sont les « gènes sauteurs », ou « éléments transposables » (E.T.). En clair, des fragments d’ADN dotés d’une propension invétérée à l’itinérance à travers les génomes. Ils s’y promènent à loisir, prolifèrent et font des copies d’eux-mêmes qui vagabondent à leur tour. Ce faisant, ils brassent les génomes, inventent de nouvelles fonctions cellulaires et de nouveaux caractères.
En voici deux fameux exemples. Le premier date de 20 millions d’années, quand les hominidés et les grands singes ont divergé des autres primates… et qu’ils ont perdu leur queue. Comment ? Ce nouveau caractère découle de l’insertion d’un petit E.T. au milieu d’un gène nommé TBXT, comme a montré une équipe de l’université de New York dans un article publié le 28 février par la revue Nature. Le prix à payer : un risque accru de spina bifida, ce défaut de formation de la colonne vertébrale.
Le seconde exemple révèle la puissance d’action de la sélection naturelle, sur un temps très court. C’est la très célèbre histoire d’un papillon de nuit, la phalène du bouleau, aux ailes typiquement blanches, tachetées de noir. Mais au XIXe siècle, dans un Royaume-Uni en pleine révolution industrielle, les fumées intenses des usines ont noirci les troncs des bouleaux et ces papillons pâles, devenus très visibles sur les troncs noirs, ont été dévorés par les oiseaux. Des phalènes aux ailes noires les ont alors rapidement supplantées. Si leurs ailes ont été repeintes en noir, c’est, là encore, grâce à l’insertion d’un long E.T. au sein d’un gène, nommé cette fois-ci « Cortex ». Cette insertion a eu lieu en 1819, a révélé une équipe britannique. Mais la lutte antipollution a porté ses fruits : à mesure que les bouleaux retrouvaient leur blancheur d’antan, les ailes des phalènes ont de nouveau pâli.
Il arrive que certains E.T., plus « audacieux », franchissent les frontières entre les espèces, s’émancipant ainsi de la voie suivie par l’immense majorité des êtres vivants pour léguer leurs gènes – à savoir, la reproduction sexuée.
« Mère Nature semble avoir discrètement mélangé les génomes depuis un certain temps », glissaient les auteurs d’une étude australienne qui, en 2012, révélait un cas frappant de transfert d’un fragment d’ADN, BovB, entre des serpents et des bovins. Pour autant, « rien ne dit que le transfert se soit produit directement entre les serpents et les bovins, note Clément Gilbert, du CNRS, à l’université Paris-Saclay. Les deux lignées ont pu acquérir cet E.T. d’une autre espèce, transmis par un vecteur comme des tiques ».
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